Les phéniciens
 
Le Commerce Phéniciens 

La richesse des forêts du Liban : les Cèdres millénaires 

« Le bois est un élément important de l’économie phénicienne. La richesse des forêts du Liban attisait déjà la convoitise des voisins des phéniciens ; au XIe siècle avant J. -C., l’Egyptien Ounamon rend visite au roi de Byblos, Zakarba’al. Il a quitté la ville de Thèbes avec une mission bien précise : » Je suis venu à la recherche dui bois destinée à la barque, grande et magnifique, d’Amon-Rê, roi des Dieux. Ton père l’a fourni, le père de ton père l’a fourni, tu feras de même toi aussi. » Ounamon ne vient pas « acheter » du bois car nous sommes dans ine situation d’échanges primitifs. En échange du bois, le Phénicien recevra un contre-don.

Le roi Salomon agit de même lorsqu’il dit à son voisin Hiron, roi de Tyr : »Ordonne que l’on coupe des cèdres du Liban (…), car tu sais qu’il n’y a personne chez nous qui sache couper les arbres comme les Sidonniens. » Hirom répond aussitôt : »Oui, je te donnerai tout le bois de cèdre et le bois de cyprès que tu voudras ; mes serviteurs le feront descendre du Liban à la mer ; moi, j’en ferai des trains de flottage sur la mer jusqu’au lieu que tu m’indiqueras et là je les démonterai ; tu les emporteras ». Le Tyrien ajoute simplement : « Je désire que tu fournisses des vivres à ma maison. » Après avoir reçu le bois Salomon « donne » à Hirom du blé et de l’huile (I Roi, V, 20-25).

Le bois servait évidement à la construction des navires : le mât étai taillé dans un cèdre et le bordage et l’habitacle étaient faits de cyprès si l’on en croit la complainte d’Ezéchiel. Mais les Phéniciens se rendirent célèbres par leur utilisation du bois pour la construction des temples ; c’est d’ailleurs pour édifier le temple de Jérusalem que Salomon avait besoin du bois d’Hirom. L’armature du plafond à caisson était en cèdre (I Roi, VI, 9) ainsi que tout l’aménagement intérieur (I Roi, VI, 15 sq) : « Tout était en cèdre, on ne voyait que la pierre. » Le bois était particulièrement utile pour les poutres. Outre celles du temple de Jérusalem, le bois du Liban, servit, si l’on en croit la tradition, à faire celle du temple d’Appollon à Utique (Pline, XVI, 40) et du temple d’Héraclès à Cadix (Silius Italics, III, 17-19) ainsi que la toiture des temples d’Héraclès et d’Astarté à Tyr (Flavius Josèphe. Contre Apion, I, 118). La réputation de solidité de ce bois était proverbiale puisque au Ier siècle de notre ère, Pline et Silius Italicus croyaient que les poutres étaient toujours d’origine (elle auraient donc résisté dix siècles).
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L’huile dans le commerce des produits alimentaires :
…Dans le commerce des produits alimentaires, Tyr occupe une bonne place. La Galilée était riche en huile (les fouilles de Tell Keisan nous l’enseignent) et … le roi Salomon en faisait livrer à Hirom avec d’autres produits de la terre, du blé, de l’orge et du vin. Sans doute la plupart de ces produits étaient échangés dans l’Orient méditerranéen, par terre et par cabotage, jusqu’en Egypte : Hérodote (III, 6), mentionne le vin de Phénicie qui arrivait à Memphis et on vient de trouver des amphores phéniciennes à Karnak. On ne saurait exclure un commerce à longue distance qui porterait vin et huile des côtes phéniciennes à l’Occident…Le vin de Byblos est … cité et le Pseudo-Aristote, dans son traîté Sur les merveilles entendues (§ 135), explique que, en échange de l’argent de Tartessos (Tarshish), les Phéniciens apportaient de l’huile.

La nature de l’échange :
La royauté phénicienne :
…Dans le milieu du Proche-Orient, à la fin du IIe millénaire, c’est encore par le Prince que tout affaire passe. Nous sommes dans le monde du Palais où le pouvoir central contrôle tout… Le roi Ounamon, envoyé égyptien. Traite directement avec le roi phénicien de Byblos. Ce dernier a son mot à dire ; il gère l’activité économique de sa ville. On retrouve un schéma identique de tractations entre le roi phénicien de Tyr et le roi Salomon, au début du Xe siècle, lorsque le roi Salomon a besoin  du bois des montagnes du Liban pour la construction du temple de Jérusalem. Ce rapport d’Etat à Etat se retrouve quatre siècles plus tard lorsqu’est juré le premier traité entre Rome et Carthage…

…Cette royauté phénicienne est présente chez Homère (Odyssé, IV, 612 sq. et XV, 113 sq.) : le roi de Sidon, Phaeldimos, donne à Ménélas, de passage en Phénicie, un cratère d’argent surmonté d’un rebord en or ; parallèlement, les Sidoniens, font un cadeau  semblable au roi de Lemmos (Illiade, XVIII, 741, sq.).

Ces échanges de présents s’inscrivent dans la grande tradition des rapports d’hospitalité qui. Après avoir caractérisé l’idéologie des sociétés du Proche et du Moyen-Orient entre le XVe et le XIIIe siècle avant J.- C.30, fleurissent au début du Ie millénaire dans le monde de l’aristocratie archaïque.

Ces commerçants phéniciens ne sont pas des aventuriers mais des aristocrates qui traitent d’égal à égal avec les roitelets du monde grec.

Le vin et l’eau ; le rituel :
Derrière le geste du don, nous savons depuis Mauss que se cache un comportement qui conduit au seuil du rite ; l’échange de cadeaux scelle un rapport privilégié et, entre le navigateur sidonien et le roi de Lemmos rien ne sera plus comme avant. La référence au cratère, vase préposé au mélange du vin et de l’eau, introduit de plain-pied dans le monde du « Symposion » ce moment final du banquet où les convives boivent et parlent. Ce rituel grec a son équivalent dans le monde sémitique nord-occidental ; en effet, l’Ougarit, l’hébreu, le phénicien, le punique et l’araméen possède tous le terme marzeah pour désigner la célébration liturgique d’un banquet …en l’honneur d’une divinité

Le Commerce avec l’Orient :
Des Phéniciens en Egypte :
Un témoignage particulièrement ancien sur l’activité commerciale des Phéniciens vient d’un récit égyptien qui date de la première moitié du XIe siècle avant J.- C. Ce récit est connu comme le Rapport d’Ounamon, du nom d’un employé de Héribor, « premier prophète d’Amon » et maître des biens du tout puissant dieu de Thèbes. Ounamon avait été chargé d’aller chercher en Phénicie le bois pour la barque du dieu Amon et, dans un style pittoresque, l’auteur du rapport raconte ses péripéties une fois arrivé à Byblos… le Rapport d’Ounamon fournit un grand nombre de détails sur les gens de la côte phénicienne et, surtout, sur le commerce3 que Byblos et Sidon pratiquaient régulièrement avec l’Egypte. Byblos possédait pour cela vingt navires et Sidon, cinquante.

A l’époque d’Homère, la présence des Phéniciens, en Egypte est un fait connu : dans l’Odyssée (XIV, 287-295), Ulysse informe Eumée, le porcher de Laërte, de sa rencontre en Egypte avec un Phénicien… commerçant dont l’activité s’étendait jusqu’en Lybie.

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Une autre référence aux Phéniciens en Egypte nous est donnée par Hérodote (II, 112) qui mentionne l’existence à Memphis d’un campement (Stratopedon) tyrien où Astarté, l’Aphrodite phénicienne, était vénérée…

Les Phéniciens à Kition (Chypre) :
Le rattachement de la région de Kition ; par exemple, à la Phénicie est  mis en évidence par une inscription phénicienne gravées dans les endroits aussi éloignés que Nimrud, en Mésopotamie, et Préneste(Palestrina), dans le Latium. L’inscription de la coupe chxpriote est une dédicace faite *au Baal du Liban » par un « gouverneur de la Ville  Neuve » ; on ignore qu’elle était cette Ville Neuve (Qarthadast en phénicien, d’où Carthage)…

… Le gouverneur de la Ville Neuve y résidait comme fonctionnaire de Hirom, « roi des Sidoniens ». C’est le même Hirom qui paya tribut à Teglat-Phalasar III en 738 en tant que « roi de Tyr », ce qui montre que, à cette époque, Tyr et Sidon formaient une unité politique dont faisait partie Chypre…L’offrande du gouverneur de la Ville Neuve au Baal du Liban paraît montrer que, pour ce fonctionnaire, l’hommage était dû non pas au dieu de la ville de Tyr mais au dieu cosmique de la montagne du Liban. Mais, véritable colonie de Tyr, Kition ne pouvait sûrement pas manquer à ses obligations à l’égard de Melqart…

Les fouilles françaises de 1976 à 1981 ont livré des figurines féminines représentant Astarté dont quelques-unes - celles qui la montrent avec les bras levés - peuvent dater de la fin du Ixe siècle. Une inscription de 400 environ, peinte à l’encre noire sur les deux faces d’une tablette de calcaire, indique de manière précise les dépenses faites lors de la construction du temple d’Astarté, « la Reine sainte »…

A Rhodes (en Grèce). Nous dit Diodore (V, 58), des Phéniciens qui avaient reçu de Cadmos la mission de surveiller le temple de Poseïdon qu’il venait de fonder, se marièrent avec des filles du lieu et engendrèrent une lignée héréditaire de prêtres
L’archéologie confirme une telle vision des choses : dans la seconde moitié du VIIIe siècle, le style des vases à parfum fabriqués dans l’île prouve la présence stable d’émigrants phéniciens (metoikoï) qui s’occupaient en particulier du commerce des huiles parfumées.

On a même pu penser que l’abondance de pacotille de style égyptien (faïence, scarabées) que l’on trouve dans les tombes rhodiennes de cette époque était produite localement par des Phéniciens…

            L’Univers phéniciens : M. gras, P. Rouillard, J. Teixidor